Quiconque veut investir en Bourse doit avant tout posséder un mental solide, comme l’explique Nolwenn, membre du club de l’Investisseur Français (*), qui se définit comme une investisseuse contrarienne diversifiée entre la Bourse et l’immobilier.
Comme nombre de personnes, vous avez à cœur de préparer pour vous et vos proches un avenir plus confortable. L’idée d’investir germe en vous, mais vous ne vous sentez pas encore prêt(e).
Peut-être que vous avez déjà eu la première impulsion et que vous possédez un portefeuille d’actions. Mais le contexte actuel est difficile, et vous doutez. Vous n’êtes pas encore pleinement à l’aise avec les décisions que vous avez à prendre.
Ma très récente expérience m’a apprise qu’investir n’est pas uniquement une affaire d’argent, c’est une discipline qui requiert une certaine construction de l’esprit. Pour devenir un investisseur serein, gage de stabilité et de succès dans la gestion de vos finances, vous pouvez cultiver votre mental de deux façons : (1) sur le fond, dans le but d’acquérir les compétences et la technique; (2) sur la forme, afin de créer en vous la dynamique comportementale adéquate.
Je ne reviendrai pas sur les compétences techniques. En revanche, en tant qu’investisseuse et coach, je peux partager les questionnements qui m’ont permis de développer les dispositions psychologiques propices à une pratique raisonnée et profitable de l’investissement.
Avec un peu de recul et l’espoir que ce témoignage puisse servir, voici quelques conseils qui, je l’espère, pourront aider toute personne souhaitant prendre en main ses finances personnelles.
Motivations profondes
Avant toute chose, je recommanderais à tout investisseur débutant, ou encore hésitant, de réfléchir sincèrement à ses motivations.
Qu’est-ce qui vous incite à investir ? Qu’attendez-vous de cette démarche ? La réponse semble tomber sous le sens : s’enrichir. Certes, c’est l’objectif principal. Cependant, derrière cette ambition légitime se dissimule parfois des intentions cachées qu’il faut honnêtement analyser pour éviter bien des déboires.
Prendre sa revanche, fuir une situation insatisfaisante ou la peur du manque, être plus malin que les autres, exposer son succès, éprouver un sentiment de réussite etc. La liste des ambitions de l’égo qui viennent se greffer sur notre relation à l’argent est très longue. Tâchez de comprendre, avant même d’envisager à investir, la nature des émotions qui circulent en vous lorsque fluctue le montant de votre compte en banque (ou votre compte de courtage). Car l’investissement ne fera que décupler ces émotions de bases. Autant être prêt à les encaisser.
Faisons un petit détour par les neurosciences qui nous aident à mieux comprendre nos réactions. Notre cerveau est structuré en trois couches successives :
(1) Directement sous notre crâne se trouve un cerveau moderne, le néocortex, siège de la pensée conceptuelle, du raisonnement et de l’analyse.
(2) Une seconde couche, un peu plus profonde, se nomme le paléo-cortex ou cerveau limbique. Il est le seuil de la mémoire, de nos apprentissages de bases et du fonctionnement grégaire. A l’origine de nos comportements instinctifs, il permet les émotions et active les mécanismes de défense tels que le stress.
(3) Enfin, un noyau archaïque, le cerveau reptilien, active les fonctions réflexes de l’organisme, l’instinct de survie, la peur et le plaisir.
Afin de bénéficier pleinement des services remarquables de votre néocortex pour analyser un bilan financier, il s’agit de comprendre les mécanismes et les situations qui activent la seconde et la troisième couche de votre cerveau.
Si vous ressentez une peur viscérale à l’idée de manquer d’argent, si vous êtes euphorique à la perspective d’en obtenir subitement plus, méfiez-vous. C’est que votre relation à l’argent est encore trop instinctive et sujette à l’irrationnel. Ne laissez jamais un cerveau reptilien prendre les commandes de la gestion de vos finances, il n’en sortira rien de bon pour vous.
Si malgré toutes vos lectures et la meilleure pédagogie du monde, vous êtes plus serein en pensant assurance-vie qu’en envisageant l’achat d’actions, si vous êtes sensible à l’idée que la défiance collective à l’égard de l’investissement est forcément fondée, vous êtes encore sous l’emprise de votre cerveau limbique. Vous vous rassurez en allant au plus simple, vers ce qu’on vous a toujours appris et ce que font tous les autres. Ne vous brusquez pas, à quoi bon se faire du mal. Gardez votre sang froid, ne réveillez surtout pas le reptile qui sommeille en vous.
Prenez le temps de comprendre ce qui vous rassure et ce qui vous effraie de façon à gérer votre stress, non pas à le subir.
Résistance au stress
Seconde nécessité : identifiez honnêtement vos propres limites, en particulier la part de stress que vous êtes capable d’assumer.
Le stress est un phénomène adaptatif : aux origines, le risque majeur était le prédateur et c’est pour le fuir qu’existe ce mécanisme. Petit rappel sur son fonctionnement : un événement vous fait subitement peur, votre cœur se met à battre, le sang afflue dans votre corps, vous tremblez, vous avez très chaud, vous avez des fourmillements dans les extrémités, votre respiration s’accélère.
Puis le visage devient livide, car votre système réflexe a décidé de diminuer l’afflux d’oxygène dans votre cerveau, ce sont vos jambes qui en ont formidablement besoin. Partir en flèche devant le prédateur est effectivement plus efficace que de se lancer dans une tirade inspirée sur la tyrannie du rapport de prédation entre les espèces.
Le stress, formidable mécanisme de survie, a toujours pour fonction de vous faire courir le cent mètres comme une gazelle. Vous ne faites plus face à un prédateur, espérons, mais peut-être que vous affrontez un moment de fluctuation douloureux du marché et que cela vous effraie. Les couches supérieures de votre cerveau s’éteignent successivement comme les moteurs du Titanic, le prix de vos actions s’effondre, le montant de votre patrimoine coule par la poupe devant un Iceberg, ce qui active l’ensemble de vos réflexes de fuite et d’abandon du navire.
Vous ne réfléchissez plus de façon autonome, vous trouvez refuge dans le mouvement collectif de replis, vous pratiquez la fuite en retirant votre capital au plus mauvais moment. Naufrage.
Chaque activité professionnelle possède son scénario catastrophe. Le marin craint la tempête, le viticulteur la grêle sur les bourgeons de ses vignes, et l’avocat l’extinction de voix. Etre un bon professionnel signifie en partie savoir gérer le pire qui, plus qu’à prévoir, est bien souvent à vivre. Il est donc très raisonnable de placer une zone de sécurité entre soi et le stress généré par le mouvement des marchés. Rester dans sa zone de confort, le domaine du connu et du déjà testé, permet de se rassurer et de reconstituer son énergie
Accepter le risque
Dans tous les domaines de la vie cependant, c’est en s’engageant dans la zone de prise de risque que l’on progresse. Comme malheureusement le risque est grand pourvoyeur de stress, il faut trouver en soi le juste équilibre. Celui qui vous permet en tant qu’investisseur d’oser suffisamment pour espérer des bénéfices, mais qui vous garantit tout de même un sommeil de qualité. Pour définir cette frontière, il faut beaucoup d’honnêteté vis-à-vis de soi-même. On se voudrait toujours un peu plus aventureux qu’on ne l’est.
Etant sensible au stress et ne cultivant pas l’esprit d’aventure quand il s’agit de mon épargne, je me suis imposée pour ma part deux types de limites :
(1) Une limite en proportion : je n’ai investi qu’une partie seulement de mon épargne. S’il s’avère que je résiste bien au stress généré par la conjoncture actuelle, j’irai plus loin l’année prochaine en faisant travailler une part plus importante de mon épargne. Mais cela se fera de façon progressive. On a le droit de prendre le temps de s’aguerrir.
(2) Une limite dans la remise en question : j’ai conservé mes anciennes habitudes concernant l’immobilier et certains produits d’épargne bancaire dits « sécurisés ». Même si j’ai techniquement conscience de subir un biais éducatif, il m’est difficile d’abandonner totalement les principes de gestion avec lesquels j’ai grandi. Je compose avec.
Chaque personne étant d’une trempe différente, les limites sont d’une grande variété. La vraie force réside en la capacité à estimer justement ses aptitudes. Une fois fixée la frontière entre le raisonnablement risqué et le franchement dangereux, le stress généré devient très supportable.
Mieux, il crée la tension suffisante pour rester en vigilance et ne pas faire n’importe quoi. Mais il laisse l’esprit libre pour réfléchir de façon rationnelle et analyser avec efficacité les nouvelles opportunités.
Une certaine retenue
Avec en tête l’idée de vivre le plus sereinement possible mes débuts dans l’investissement, voici quelques conseils de bon sens que je m’applique chaque jour.
Pratiquez la mise à distance émotionnelle : utilisez vos émotions comme une information utile. Il ne s’agit pas de museler vos sensations. Outre le fait que ce soit impossible, ce serait vous priver d’un outil indispensable dans l’élaboration de vos choix. Lorsqu’elles surgissent, prenez le temps de les analyser avant d’y répondre, et d’agir précipitamment.
Prenez de la distance par rapport aux événements : tout dans notre société actuelle nous pousse à favoriser la lecture de l’instant plutôt que la perception du long terme. Quand vous réagissez aux évènements, vous perdez votre objectif de vue, votre chemin n’est plus cohérent. Le meilleur moyen de garder une concentration sur le but à atteindre est de prendre de la distance. Vous êtes engagé sur le long terme, il n’est pas nécessaire de vérifier plusieurs fois par jour les variations de votre portefeuille. Cette attitude compulsive comporte une part d’auto-harcèlement. Vous épuisez votre résistance. Acceptez que les variations fassent partie du mouvement d’ensemble. Ecoutez l’événement comme une note au sein d’une plus vaste mélodie.
Communiquez avec parcimonie : lorsque l’on découvre une nouvelle pratique, il est tentant de vouloir la partager. Mais votre entourage, peut-être moins informé que vous, ne vous aidera pas à gérer votre stress. Leurs questions légitimes, mêmes bienveillantes, ajouteront du doute et de la confusion. Au pire certains, jaloux de votre esprit d’entreprise et de votre potentiel succès, ne manqueront pas de vous railler quand les évènements sembleront vous contredire. A force de vous justifier, l’agacement est là, puis la colère et la peur… vous venez de réveiller le reptile qui dormait en vous. L’envie de communiquer reste légitime, elle est même nécessaire pour apprendre. Les communautés d’initiés remplissent cette fonction de soutien indispensable pour tenir au long terme ses engagements et accélèrent également la montée en compétence.
Esprit libre
Un dernier conseil peut-être, luttez contre l’envie de faire porter la responsabilité de vos actes par d’autres. On peut être tenté d’invoquer la conjoncture, d’accuser un système, un mauvais conseil, mais c’est qu’on cherche encore un coupable pour se dédouaner d’une partie des conséquences de nos choix.
Pratiquer l’investissement par soi-même c’est choisir de développer chaque jour son libre-arbitre, de cultiver l’esprit d’indépendance et de porter la liberté comme une valeur première.
A terme, en plus des bénéfices concrets que vous aurez réalisés, vous aurez cultivé votre esprit d’une façon remarquable. Ce bénéfice mental enrichira sensiblement tous les autres domaines de votre vie.
>> (*) Pour aller plus loin, retrouver toutes les analyses de L’Investisseur Français sur son site.